De nouveaux néologismes[1] apparaissent depuis quelques années pour mettre en lumière les émotions que les personnes ressentent au cours du processus de conscientisation des enjeux écologiques et par extension mondiaux actuels. Voici les plus usuels :
– « Eco-anxiété » : C’est « la peur chronique d’un environnement condamné »[2] ou encore « une forme de stress pré-traumatique. Il s’agit d’une souffrance prospective, déclenchée par une projection vers l’avenir et en lien avec la prise de conscience écologique.Ce qui est nouveaudans cette forme d’anxiété[3], ce n’est pas le ressenti en lui-même, mais c’est la causequi la génère. »[4]. Dans son enquête de 2019 sur l’éco-anxiété[5], C. Schmerber a noté que sur 1200 personnes interrogées, « plus de 90% ressentent de l’anxiété du fait des situations environnementales ». Parmi les phénomènes générateurs d’anxiété donnés, nous retrouvons dans l’ordre du plus au moins cité : « la perte de la biodiversité[6], les ressources en eau, le réchauffement climatique, la hausse des injustices sociales » … Ces personnes ont conscience des nombreux problèmes systémiques actuels.
– « Solastalgie » : Il s’agit de l’expérience vécue lors de changements environnementaux considérés comme étant négatifs. La solastalgie regroupe des maux de type existentiels, anxieux, psychologiques vécus par une personne prenant conscience des enjeux environnementaux, et par extension économiques et sociétaux et autres liés. G. Albrecht[7], à l’origine de ce néologisme* met en corrélation l’expérience de la perte d’un environnement connu et l’émergence de d’une détresse psychique qu’il nomme « solastalgie ». À la différence de la nostalgie qui renvoie à un lieu quitté, la solastalgie fait référence aux ressentis vécus dans l’environnement actuel.
– « Collapsalgie » et « effondralgie » : L’enquête de C. Schmerber a relevé que « 83% des personnes ressentent d’autres émotions associées à l’anxiété par rapport à la dégradation de l’environnement » : « la colère (24%), la tristesse (18%), l’impuissance (9%), la peur (4%), l’espoir (3%) ». Suite à ce constat, pour cette psychologue, ni l’éco-anxiété, ni la solastalgie ne précisent assez les conséquences de la prise de conscience écologique et par extension de l’état et des enjeux du monde. Alors, elle a créé deux néologismes : la collapsalgie et l’effondralgie. Ainsi, « la collapsalgie c’est la souffrance émotionnelle, psychique et physiologique que vivent les individus du fait des processus d’effondrement.[…] La « collapsalgie » renvoie pour moi aux émotions générées par l’ensemble des phénomènes d’effondrements qui provoquent en miroir chez les individus un effondrement intérieur. Elle peut être vécue comme une expérience rétrospective et prospective. Ainsi elle peut constituer une proposition de synthèse des deux notions d’éco-anxiété et de solastalgie ». « L’effondralgie » est la version francophone de « collapsalgie ».
Il existe d’autres néologismes, comme « la dépression verte » qui est plutôt proche de l’éco-anxiété ou encore « l’angoisse écologique » qui se rapproche plus de la notion de solastalgie. Le « burn-out écologique » par analogie au burn-out professionnel et « l’épuisement écologique », proche de « l’épuisement militant », font également leur apparition. Les néologismes sur ce sujet sont en émergence auprès des professionnels spécialistes du sujet (médecins, psychiatres, coachs…) et de nouveaux termes devraient voir le jour ces prochaines années, en conséquence à l’affluence de patients dans leurs cabinets et par là même, à une meilleure compréhension de leurs vécus et besoins.
Connaître ces néologismes est intéressant pour comprendre que les émotions ressenties face à la crise sont plurielles, et qu’elles sont liées à la fois aux pertes vécues en chaine ; au passé qui est perdu, également au présent qui est perturbant et au futur qui est imprévisible. On y retrouve les émotions liées au processus de deuil, de transition, de changement[8]. Selon les personnes, ces émotions sont variables et ressenties plus ou moins fortement. 70% d’entre elles seront capables de résilience face à cette transformation qui s’opère en elles, les autres auront besoin d’être accompagnées pour surmonter cette transition[9].
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[1] Néologisme : « Tout mot de création récente ou emprunté depuis peu à une autre langue ou toute acception nouvelle donnée à un mot ou à une expression qui existaient déjà dans la langue. » Larousse, https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/n%C3%A9ologisme/54201. Nouveau mot apparu récemment dans la langue française et pas forcément encore admis dans les dictionnaires, mais permettant ici de nommer des réalités nouvelles.
[2] LEMKE, C. (2019), « L’éco-anxiété ou le trouble mental causé par la peur du changement climatique », in Sciences et Avenir, disponible sur [ https://www.sciencesetavenir.fr/sante/cerveau-et-psy/l-eco-anxiete-ou-la-detresse-due-au-changement-climatique_132187 ], consulté le [22/06/2020]
[3] Anxiété : “L’anxiété est une émotion souvent ressentie comme désagréable qui correspond à l’attente plus ou moins consciente d’un danger ou d’un problème à venir. L’anxiété est un phénomène normal, présent chez tous les individus. Elle peut cependant prendre un caractère excessif et pathologique dans différentes situations : on parlera alors de troubles anxieux. Les sujets souffrant de troubles anxieux sont envahis par ce sentiment d’inconfort ou de peur secondaire à une anticipation excessive d’éventuelles difficultés avant même que les problèmes ne soient survenus, ou avant même que le sujet ait repéré précisément ce qu’il redoute. Les psychiatres parlent parfois de « peur sans objet »”. Anxiété.fr, https://www.anxiete.fr/
[4] LEMKE, C. (2019), « L’éco-anxiété ou le trouble mental causé par la peur du changement climatique », in Sciences et Avenir, disponible sur [ https://www.sciencesetavenir.fr/sante/cerveau-et-psy/l-eco-anxiete-ou-la-detresse-due-au-changement-climatique_132187 ], consulté le [22/06/2020]
[5] SCHMERBER, C. (2019), « Restitution d’enquête sur l’éco-anxiété» in Solastalgie, disponible sur [http://www.solastalgie.fr/enquete-eco-anxiete/], consulté le [9/06/2020]
[6] Biodiversité : « La biodiversité, au sens étymologique du terme, évoque la diversité du vivant, c’est-à-dire tous les processus, les modes de vie ou les fonctions qui conduisent à maintenir un organisme à l’état de vie » Futura Sciences, https://www.futura-sciences.com/planete/definitions/nature-biodiversite-3625/
[7] ANQUETIL, G. (2020) « Australie, Solastalgie avec Glenn Albrecht, le philosophe de la nostalgie de l’environnement détruit » dans l’émission « Je reviens du monde d’avant », in France Inter, disponible sur [https://www.franceinter.fr/emissions/je-reviens-du-monde-d-avant/je-reviens-du-monde-d-avant-08-aout-2020], consulté le 8 août 2020 Et
[8] Voir articles suivants sur le processus de deuil selon E. Kubler-Ross, le processus de changement selon Hudson, le processus de transition selon W.Bridges
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